Dans la suite de mes explorations du corpus de discours officiels du site vie-publique, je me suis intéressé au glissement de lexique entre « immigré » et « migrant ». Si la distinction est claire dans l’absolu, entre le processus (migrer/migrant) et l’état (immigré), elle l’est moins dans le contexte des discours politiques pour lesquels l’immigration est essentiellement considérée sous sa forme de processus (cf. la notion de « flux ») et non d’état. Pour preuve, on trouve autant d’occurrences des locutions migrants clandestins que du plus traditionnel immigrés clandestins. Comme diraient les linguistes, les deux termes commutent dans ce domaine.
On peut donc s’interroger de la présence de ces termes dans le discours public et de son évolution. Le graphique ci-dessous montre les occurrences de chacun d’entre eux avec, comme « groupe témoin » le décompte du nombre d’occurrences du terme « immigration », tout cela sur les 50 dernières années de communication gouvernementale.

Comme attendu, le terme « migrant » n’est apparu que récemment dans le discours politique. Le premier pic correspond à 2004, probablement suite à la guerre d’Irak (mars 2003), qui a entraîné des déplacements de population massifs vers la Syrie. Mais le terme désigne dès cette époque les entrées d’étrangers en France et non pas les déplacements « lointains ». C’est peu après que le terme immigré commence à décroitre et que migrant prend le pas, avec une prééminence nette à partir de 2015, probablement en corrélation avec les printemps arabes et (surtout) la guerre civile syrienne.
Ce qui est intéressant aussi, c’est de constater qu’à partir de cette date, migrant prend définitivement le pas sur immigré mais « englobe » aussi le terme immigration. Comme si migrant évoquait directement immigration sans qu’il soit nécessaire d’en parler, ce qui était loin d’être le cas auparavant. Immigration est-il devenu un mot trop connoté ou simplement l’inférence va-t-elle désormais de soi ?
Un autre enseignement de ces comptages sur immigration est le pic en 2006, année pré-électorale, avant une brutale décrue. Les performances passées ne présagent pas des performances à venir, comme on dit à la radio, mais le passé peut parfois éclairer le présent. Il y a sur ce thème encore largement de quoi faire…