Doit-on dire Le ou La COVID ?

Pas de question, tout le monde dit « le covid », sauf l’Académie Française, suivie par quelques ministres qui l’emploient au féminin. Ce féminin va-t-il s’installer dans la parole officielle ? Premier cas d’usage de l’analyse des discours gouvernementaux.

Revenons sur un peu d’histoire récente:

  • le 11 Février 2020, l’OMS décide de donner un nom explicite à la maladie causée par ce qu’on n’appelait encore à l’époque que « le coronavirus ». Le terme « COVID-19 » fait son apparition dans la langue. Provenant de l’anglais, la question du genre ne se pose pas ;
  • exactement un mois plus tard, le 11 mars 2020, les « langagiers » de Radio-Canada décident, en suivant l’argumentaire de l’OMS, qu’il faut dire « la » covid plutôt que « le » (les langagiers sont des linguistes-terminologues qui décident « le mot juste » pour Radio-Canada – l’une d’entre elles présente sa mission ici). Et le Québec suit, car le mot est encore tout nouveau dans le vocabulaire, on peut donc encore influer sur l’usage ;
  • pendant ce temps, en France, c’est le confinement. Les radios, les télévisions et nous tous ne parlons que de covid, avec le glissement naturel « le coronavirus » -> « le virus » -> « le covid » (les linguistes expliqueront qu’il s’agit d’une métonymie). L’usage du masculin s’installe donc dans la langue française ;
  • deux mois après les canadiens, l’Académie Française reprend l’argumentaire de l’OMS et de Radio-Canada pour indiquer qu’il faut désormais dire « la covid ». L’article est même recensé à la rubrique « emplois fautifs » du site de cette noble assemblée.

Statuer sur le genre d’un néologisme trois mois après son apparition semble une réaction assez rapide, mais souvenons-nous que, pendant ces trois mois, nous n’avons parlé pratiquement que de ça (et aussi de gel hydroalcoolique). Trois mois d’un usage intense pendant lequel la langue a pu se stabiliser, autour d’un emploi masculin. Autant dire que c’était bien trop tardif pour changer les choses. Et cela même si les motivations pour un emploi féminin sont logiques et bien fondées, ce n’est pas la question (on retrouvera le détail. de ces motivations expliquées par Charline Vanhoenacker).

Quid des discours officiels ?

Pourtant, la préconisation venant du gardien de la pureté de notre langue, c’était la moindre des choses que le discours officiel s’adapte. Ce qui fut le cas. Nous avons entendu les spots de publicité nous demandant de nous « faire vacciner contre la covid 19 ». Et nos ministres, secrétaires d’Etat, en bons élèves de l’Académie, se sont mis à employer le féminin. Sans réussi à changer l’usage courant malgré plus d’un an d’efforts.

Un instrument de mesure

J’ai parlé dans un précédent billet de la base de textes vie-publique.fr qui recense les discours et interventions des membres du gouvernement. Je l’ai chargée dans le moteur ElasticSearch dont je saisis l’occasion d’en rappeler la grande qualité (et c’est gratuit).

Une simple exploration de cette base permet de quantifier l’usage du masculin et du féminin dans la bouche de nos officiels, ainsi que le présente le graphique ci-dessous. On a recherché les marques explicite de genre: « la covid » vs « le covid/au covid/du covid« . Il s’agit d’une analyse assez basique dans un corpus un peu bruité car il contient aussi des interviews. A ce stade, il est possible que l’interviewer parle covid au masculin et l’interviewé au féminin.

nombre de discours/interviews mentionnant le/la covid sur vie-publique.fr

On voit que, depuis Mai 2020, les officiels se sont progressivement appliqués à féminiser cette fichue maladie, jusqu’au point où, depuis début 2021, le féminin semble faire jeu égal voire parfois l’emporter sur le masculin dans les discours officiels. Tout cela jusqu’à un décrochage en Juillet dernier, décrochage dont je prédis qu’il n’est pas accidentel. D’une part parce qu’on ne va pas contre le sens de la langue (en France, covid est masculin et il est trop tard pour changer) et d’autre part parce que l’exemple vient d’en haut.

Emmanuel Macron en effet n’a jamais été sur ce sujet un bon élève de l’académie. S’il s’est forcé pendant l’année 2020 (comme ici en Novembre 2020, où on retrouve 3 occurrences de « la covid »), l’effort se relâche en 2021, comme dans cette déclaration. de Juin 2021 avec une occurrence de « la covid » au début pour 5 occurrences de « le covid » dans le reste du texte. Mais ce qui marque selon moi l’enterrement définitif de covid au féminin, c’est son discours télévisé du 12 Juillet 2021, discours instaurant le passe sanitaire et la vaccination obligatoire, dont l’audience a de fait été particulièrement importante. S’adressant à la nation, Emmanuel Macron commence par planter le décor comme suit:

Où en sommes-nous de notre combat contre le COVID-19 ?

Il n’y aura pas d’occurrence du féminin dans ce discours.

Par ailleurs, on peut aussi signaler les spots des campagnes de vaccination qui aujourd’hui n’utilisent plus que le masculin. La messe semble dite, donc, même dans la parole officielle. Je continuerai à surveiller quel ministre continue à se forcer et qui finit par « lâcher l’affaire », mais selon moi, la covid est bien morte.

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